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Exposition sur le Duc de La Rochefoucauld-Liancourt

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François Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld-Liancourt, « notre bon Duc », est méconnu du grand public(1). Le château de La Roche-Guyon, où il a vu le jour, a réparé un peu cette injustice en organisant cet automne une exposition entièrement dédiée au grand homme politique.

« La Roche-Guyon est située dans un des plus beaux coins de la vallée de la Seine, entre un méandre du fleuve et de hautes falaises abruptes que domine un donjon du Xe siècle. » Edgar-Pierre Jacobs, célèbre auteur de BD, décrit ainsi le site dans la sixième aventure de Black et Mortimer. Dans « le Piège diabolique »(2), les grottes attenantes au château abritent une machine à remonter le temps. Remonter le temps, c’est justement ce que proposait, de fin septembre à fin novembre, l’exposition qui retraçait la vie plurielle du duc de La Rochefoucauld-Liancourt, né en janvier 1747 au château et y ayant passé une partie de son enfance.

Daniel Vaugelade, professeur d’histoire aujourd’hui retraité, a grandi de l’autre côté du fleuve et s’est pris de passion pour le château et ses célèbres habitants. C’est ainsi qu’il a publié, entre autres ouvrages, « le Voyage en Amérique de La Rochefoucauld-Liancourt »(3) dans lequel il relate l’exil du Duc aux États-Unis pendant la Révolution. C’est donc naturellement qu’il s’est vu confier il y a trois ans la tâche de commissaire de l’exposition [voir son interview en vidéo sur AM-TV à l’adresse https://tv.arts-et-metiers.fr]

L’homme politique

Marie-Laure Atger, directrice du château La Roche-Guyon, explique l’origine de l’exposition, au-delà de l’histoire qui lie l’homme au lieu : il s’agissait de «retracer le parcours d’un homme éclectique, membre d’une des plus grandes familles aristocratiques françaises, souvent très proche du pouvoir, mais toujours indépendant, faisant preuve d’une perspicacité et d’une clairvoyance rares, sachant parfois renoncer à ses propres intérêts pour en servir de plus larges. [Nous voulions] raviver la mémoire de cet homme d’exception, solidement ancré dans son temps, mais qui, par ses engagements, a contribué à la création d’institutions pérennes, toujours d’actualité et au cœur des problématiques contemporaines, permettant ainsi le dialogue entre les époques».

L’homme exemplaire

Comment définir le Duc, personnage à multiples facettes? Très vite, notre historien se concentre sur les idées : «Il avait une vision “politique” de la société, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire “ce qui concerne le citoyen”. Tous les moyens sont bons pour être au service de la nation et du bien public. Les Arts et Métiers, les Caisses d’épargne ne sont que deux branches d’un grand arbre. À cause ou grâce aux Lumières, lui, l’aristocrate, se demande si l’aristocratie a encore un sens. Sa réponse donne une idée de la hauteur de vue du personnage : “Je ne justifie plus mes titres par ma naissance mais par mon utilité publique. Je dois mettre ma fortune et ma culture au service de la société.”» Cette réflexion sera le moteur du héraut d’une nouvelle justice sociale.

L’homme visionnaire

Le duc de Liancourt fut exemplaire car il ne s’est pas contenté de dire la justice, même s’il n’a jamais véritablement embrassé la République pour n’avoir pas cru en la transposition des principes républicains américains en France. Par ses propres actions(1) — agronomique (introduction de nouvelles techniques agricoles), industrielle (création de manufactures), éducative (fondateur de l’École d’Arts et Métiers), financière (premier administrateur de la Caisse d’épargne), sanitaire (président du comité de Mendicité, ancêtre de l’assistance publique, campagne de vaccination contre la variole dès 1800) et défenseur d’une presse libre —, le «bon Duc» a fait preuve d’engagement envers le peuple jusqu’à sa mort en 1827, parvenant même à réduire les inégalités autour de lui.

À la lecture de sa vie, on ne peut s’empêcher de réfléchir aux futilités auxquelles s’accrochent nombre d’hommes politiques contemporains — alors qu’il leur faudrait replacer le bien public au cœur de leurs exigences. À quand le retour de la «noblesse» citoyenne en politique?


(1) Lire notre série chronologique sur la vie de La Rochefoucauld-Liancourt, publiée de mai à décembre 2018 (mai, p. 50; juin-juillet, p. 60; septembre, p. 76; octobre, p. 62; novembre, p. 66; décembre, p. 70).

(2) Prépublié dans «le Journal de Tintin», «le Piège diabolique» est ensuite édité en album en septembre 1962 aux Éd. du Lombard.

(3) Éd. de l’Amandier, 2010, collection La Bibliothèque fantôme (coll. éditoriale du château).

Article rédigé par Djamel Khamès

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